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Warnier Jean-Pierre

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Programme de recherche 2007-2011

Arrière-plan

  • Depuis 1971, j’effectue un suivi longitudinal d’un royaume du Cameroun de l’ouest (le royaume Mankon). Jusqu’au milieu des années 1980, mes recherches ont été informées, de manière éclectique, par les paradigmes en cours à l’époque : anthropologie sociale d’inspiration durkheimienne, sociologie dynamique, approche systémique (Leach, Wallerstein), marxisme. A la fin des années 1980, je me suis avisé que le roi (alors engagé dans le « retour des rois »), était un réceptacle physique et corporel des substances ancestrales. Ses fonctions d’homme politique de niveau national et d’homme d’affaires étaient étayées sur sa fonction royale. Les faits de stockage, rétention, dispensation, travail sur les enveloppes, les limites, les orifices, les transits et les contenus fournissaient l’essentiel de la grammaire du pouvoir dans les royaumes du Cameroun de l’ouest.
    Vers 1995, plusieurs chercheurs et moi-même avons fondé le groupe « Matière à Penser » (ou MàP) qui s’est voué à l’étude des cultures motrices étayées sur les cultures matérielles en mouvement. En parallèle, je continuais à participer aux séminaires de J.-F. Bayart dans la mesure de mes moyens et à m’initier à la lecture de M. Weber et M. Foucault. Le paradigme que le groupe MàP a développé s’organisait autour d’une « praxéologie motrice » à base de sciences de la motricité, de sciences cognitives, des études menées par le programme d’études de la culture matérielle à University College London, de la psychanalyse, et des nombreuses recherches en cours sur « le corps » (B. Andrieu, D. Memmi, B. Bril, etc.)
    En gros, il s’agit d’analyser la manière dont toute activité humaine (tout pouvoir, toute “agency”) met en jeu des conduites motrices. Celles-ci sont indissociables de l’exercice des sept sens fonctionnant en intersensorialité, ainsi que d’affects. Dans l’espèce humaine, ces conduites sensori-affectivo-motrices sont étayées, de manière essentielle, sur des « cultures matérielles ». Il est impossible d’envisager séparément les cultures motrices et les cultures matérielles. L’exercice du pouvoir et l’action en société mobilisent ces cultures matérielles et motrices qui sont des médiations essentielles des gouvernementalités subjectivantes.
    Ce paradigme permet d’intégrer les matérialités et le corps dans l’analyse anthropologique du politique, non seulement au titre des «représentations» ou du «symbolique», non seulement pour leur valeur-signe dans un système de communication ou de connotation (ce qu’ils sont indéniablement), mais pour leur valeur praxique dans un système d’effectuation, de subjectivation et d’action sur les actions des autres.
    Ce paradigme a donné lieu à de substantielles publications par le groupe « MàP » (Warnier 1999, Julien et Warnier 1999, Julien et Rosselin 2005, etc.). Par ailleurs, « Matière à Penser » se décline. En 2004 (suite à une journée d’études au CERI), J.-F. Bayart et J.-P. Warnier (éds.) ont publié Matière à politique. Le pouvoir, les corps et les choses (CERI-Karthala, Coll. Recherches Internationales). Les recherches sur le royaume Mankon ont alimenté des publications (Warnier 2007 et 2009).

Matière à religion

  • Il n’existe aucune pratique religieuse qui ne vise à capter les subjectivités des adeptes par le truchement de cultures sensori-motrices étayées sur des cultures matérielles spécifiques. Je ne connais, à ce jour, aucune exception. On jeûne, on festoie, on consomme des psychotropes, on chante, on joue de la musique, on marche en pèlerinage, on lapide la stèle de Satan, etc. La praxéologie sensori-motrice et l’étude fine des cultures matérielles en action offre donc un outillage privilégié pour étudier de manière originale le fait religieux et son articulation au politique. En effet, l’une des limitations des études sur le fait religieux, c’est qu’en se focalisant sur les représentations, le symbolique, les croyances – bref tout ce qui se passe «dans la tête» - il peine à produire une ethnographie de la pratique et à rendre compte des mécanismes de l’assentiment, de l’adhésion, et de l’impact de la pratique sur les subjectivités. L’anthropologie religieuse ne prend en compte qu’une moitié du cerveau : celle des connaissances verbalisées. L’autre moitié du cerveau, celle des connaissances procédurales peu verbalisées et préconscientes, est tout aussi importante. Le paradigme praxéologique pose des questions théoriques sur le rapport entre corps et langage, connaissances procédurales et connaissances verbalisées qui sont du plus haut intérêt, dans la mesure où on ne peut postuler ni indépendance, ni superposition parfaite entre ces deux types de connaissances. Dans les décalages et les contradictions, il y a une mine à explorer et qui ouvre des perspectives sur les mécanismes de l’adhésion, du contrôle, voire de la manipulation, des subjectivités religieuses et politiques. En 2006, j’ai organisé une première journée d’étude « MàR », avec la collaboration d’Alain Epelboin, Julien Bonhomme, Julie Poirée, et d’autres. Je me propose, dans les deux ans à venir, de réitérer l’expérience Je le ferais sous forme de rencontres occasionnelles (une ou deux par an), d’une journée chacune. Dans cette perspective, je tiens à jour une liste des chercheurs susceptibles de s’intéresser à la perspective théorique que je propose.

Histoire économique et anthropologie. Programme de recherche

  • Dans le cadre du Fasopo, j’ai contribué à une étude des « politiques de la valeur », mise en ligne dans le n°4 du Reasopo. Dans le même numéro de la revue, j’ai publié une traduction du long texte introductif de A. Appadurai à son livre The Social Life of Things (1986). Dans le prolongement de ce travail, et en relation avec les travaux des historiens de la “World History” et en particulier de Philippe Beaujard, je me propose dans les années à venir, de reformuler les études d’histoire économique et politique des Grassfields du Cameroun de l’ouest. Mon intention est de refondre dans une nouvelle perspective le livre que j’ai publié en 1985 sur Echanges, développement et hiérarchies dans le Bamenda pré-colonial. En effet, je pense maintenant que les royaumes du Cameroun de l’ouest sont sensiblement plus anciens que je ne l’avais écrit, et que les « Grassfields », loin d’avoir été inscrits à la périphérie du marché mondial à partir des débuts de la traite atlantique, constituent une « semi-périphérie » jouissant d’une certaine autonomie comme centre de développement engagé dans les échanges au loin intra-africains, et raccordé à la sphère d’interaction eurasiatique et africaine par l’intermédiaire du méga-Tchad du Soudan et de l’Afrique de l’est.

Publications

Ouvrages

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  • 2009, Régner au Cameroun. Le roi-pot, Paris, Éd. CERI-Karthala, 338 p. (Coll. Recherches internationales).

  • 2007, The Pot-King. The Body and Technologies of power. Boston; Leiden: Brill, African Social Studies Series.

  • 2003, Ethnologie, anthropologie, avec P. Laburthe-Tolra, Paris, PUF (2e éd. revue et corrigée). Quadrige Manuels.

  • 2002, La mondialisation de la culture, Paris, La Découverte (4e éd. revue et corrigée, 1ère éd. 1999). Collection Repères. Traductions en coréen, chinois, portugais, espagnol.

  • 1999, Construire la culture matérielle. L'homme qui pensait avec ses doigts, Paris, PUF, 190 p. Sciences sociales et société.

  • 1993, L'esprit d'entreprise au Cameroun, Paris, Éditions Karthala.

  • 1993, Ethnologie, anthropologie, avec P. Laburthe-Tolra, Paris, PUF, Premier Cycle.

  • 1985, Echanges, développement et hiérarchies dans le Bamenda précolonial - Cameroun, Stuttgart, Franz Steiner Verlag Wiesbaden.

Direction d’ouvrages

  • 1999, Corps à corps avec l'objet. Approches de la culture matérielle (co-direction avec M.P. Julien), Paris, L'Harmattan, Connaissance des Hommes.

  • 1996, Authentifier la marchandise. Anthropologie critique de la quête d'authenticité (co-direction avec C. Rosselin), Paris, L'Harmattan, 262 p.

Chapitres d’ouvrages

  • 2010, « Royal Branding and the Techniques of the Body, the Self and Power in West Cameroon », In : Andrew Bevan and David Wengrow (eds.), Cultures and Commodity Branding, Walnut Creek : Left Coast Press, pp. 155-166. (Publications of the Institute of Archaeology, University College London).

  • 2010, « The invention of traditions and entrepreneurship : a critical perspective », In : Jean-Philippe Platteau and Robert Peccoud (eds.) Culture, Inbstitutions, and Development. New insights into an old debate. London; New York, Routledge, pp. 171-192. (Routledge studies in development economics).

  • 2009, « Le corps en litige en anthropologie », in : D. Memmi, D. Guillo et O. Martin (eds), La tentation du corps. Corporéité et sciences sociales, Paris, Éd. de l’EHESS, pp. 171-188, (Coll. Cas de figure).

  • 2009 avec Marie-Pierre Julien et Céline Rosselin, « Pour une anthropologie du matériel », in : M.-P. Julien et C. Rosselin (éds.), Le sujet contre les objets… tout contre. Ethnographies de cultures matérielles, Paris, CTHS, pp. 85-110. Coll. « Orientations et méthodes ».

  • 2009 avec Marie-Pierre Julien et Céline Rosselin, « ‘Subjectivité’, ‘subjectivation’, ‘sujet’ : dialogue », in : M.-P. Julien et C. Rosselin (éds.) Le sujet contre les objets, op cit. pp. 111- 166.

Articles récents

  • 2010, « Physiologie de l’action et culture matérielle », Intellectica, n° 53-54 :181-194.

  • 2010, « Foucault en Afrique. La microphysique d’une monarchie africaine », Revue internationale des sciences sociales, 191 : 103-112.

  • 2009, « Technology as Efficacious Action on Objects… and Subjects », Journal of Material Culture, 14(4) :459-470.

  • 2009, « Les technologies du sujet. Une approche ethno-philosophique », Techniques et Culture, 52-53, pp. 148-167.

  • 2008 (avec Julienne Ngoundoung Anoko), «Séverin Cécile Abega (1955-2009)», Cahiers d’études africaines, 191(3) :395-398.

  • 2008, «La politique de la valeur», Sociétés politiques comparées, Revue européenne d’analyse des sociétés politiques, Paris, avril, n°4.

  • 2008, « Invention des traditions et esprits d’entreprise : une perspective critique », Afrique contemporaine, 226(2) :243-268.

  • 2006, «Pour une anthropologie de la valeur». Communication enregistrée. 1ère Rencontre nationale du Réseau des études africaines en France, Paris, CNRS, 29-30 novembre-1er décembre.

  • 2006, « Inside and Outside. Surfaces and Containers ». In C. Tilley, et Al. (eds.), Handbook of Material Culture, London, Sage : 186-195.

  • 2002, «Chantier ouvert au public», avec M.-P. Julien, J. Poirée, C. Rosselin, M. Roustan, Techniques et Culture, n°40 :185-192.

  • 2002, «Les jeux guerriers du Cameroun de l'ouest. Quelques propos iconoclastes», Techniques et Culture, n°39 :177-194.

  • 2001, « A Praxeological approach to subjectivation in a material world », Journal of Material Culture, 6 (1) : 5-24

  • 2000, «La dynamique immuable du brassage culturel», Croissance, janv., 34 p.

  • 1999, «Le sujet comme "roue d'engrenage"» in Approches de la culture matérielle. Corps à corps avec l'objet, pp. 192-213 / M.P. Julien et J.P. Warnier (éds), Paris, L'Harmattan.

  • 1996, “Rebellion, Defection and the Position of Males Cadets: a Neglected Category” in African Crossroads. Intersection between History and Anthropology in Cameroon, pp. 115-124 / I. Fowler and D. Zeitlyn (eds), Providence, Oxford, Berghahn Books.

  • 1996,  “Magical Iron Technology in the Cameroon Grassfields”, avec M.J. Rowlands, in African Material Culture, pp. 51-72 / M.J. Arnoldi, G. Geary and K.L. Hardin (eds), Bloomington, Indiana University Press.

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